
(Billet 449) – Algérie-Maroc et l’Histoire qui bégaie…
Un conflit qui compte certainement parmi les plus vieux au monde, avec celui des deux Corée. Le Maroc et l’Algérie sont des frères ennemis, ou des ennemis fraternels, pour des raisons que la raison ignore et où l’ego tient lieu de neurones. Et dans ce conflit qui n’est pas près de trouver une issue, les peuples perdent de l’argent et se perdent dans les conjectures les plus farfelues. Il est, sans doute, temps de relire l’Histoire et de tourner les pages qui s’y rapportent…
Dans cette guerre froide, voire glaciale, que se mènent les deux protagonistes, il n’y a pas de logique, mais des griefs historiques. Le Sahara que les Algériens s’évertuent à appeler occidental est marocain, et les Algériens le savent, dirigeants compris. Le problème est ailleurs…
Que reproche l’Algérie au Maroc, dans le fond ? Une guerre malheureuse qui, en 1963, avait tourné à l’avantage du royaume et que les galonnés algériens ne parviennent pas à oublier… Et il y a aussi cette accusation portée par le Maroc en 1994, contre l’Algérie, pour l’attentat de l’hôtel Atlas Asni de Marrakech, lui faisant porter la responsabilité de l’attaque meurtrière. On peut remonter également à très loin, puisque les Algériens reprochent au Maroc son « lâchage » de l’émir Abdelkader, mais nous sommes dans la première moitié du 19ème siècle…
Que reproche le Maroc à l’Algérie, en substance ? D’avoir expulsé plutôt virilement 45.000 familles marocaines installées depuis des générations en Algérie… et bien évidemment le soutien inconditionnel apporté au Polisario, avec tous ces petits cailloux dans le soulier marocain, à l’ONU, en Afrique, et un peu en Europe, ou les Européens jouent de cette admirable aubaine qui leur est offerte d’avoir des voisins, à leur frontière, en délicatesse sans être en guerre, faisant cavaliers seuls et négociant isolément.
Tout cela peut-il véritablement faire grief de l’un contre l’autre des deux voisins, et inversement ? Dans les faits, oui, mais sur le plan de la raison et des relations internationales telles qu’elles se présentent actuellement, non. Même langue, même dialecte, même religion, même passé colonial, familles entremêlées, 1.600 km de frontière commune, culture partagée, complémentarité économique potentielle… La région la moins intégrée dans le monde est aussi celle qui dispose du plus d’atouts pour s’intégrer. Une puissance virtuelle qui se fonderait sur le phosphate marocain, le gaz algérien, les talents cumulés de deux diasporas denses au nationalisme intense, et un gros marché potentiel de 100 millions de personnes (en incluant la Tunisie), limitrophes de l’Europe et à la porte de la Méditerranée… une puissance virtuelle où Algériens et marocains gagneraient tous deux environ 2% de PIB, soit 25 milliards de $ pour le Maroc et 34 milliards pour les Algériens !
Récemment, un « influenceur » algérien avait hurlé dans son micro que cette hérésie devait cesser et que pour ce faire, les deux Etats devaient aller l’un vers l’autre… que les Algériens renoncent à soutenir un Front bien plus effronté que frontal, et que les Marocains présentent des excuses pour 1963 et 1994. Si la population algérienne est plutôt indifférente au sort des camps de Tindouf et aux tourments diplomatiques de ses chefs militaires, les Marocains refuseraient de présenter des excuses, ce qui serait logique, eu égard aux données historiques disponibles.
Et pourtant…
En novembre 2018, le roi Mohammed VI avait appelé les Algériens à mettre en place un mécanisme commun de dialogue et de concertation, qui « devra s’engager à examiner toutes les questions bilatérales, avec franchise, objectivité, sincérité et bonne foi, sans conditions ni exceptions ». « Sans conditions ni exceptions », tout est dit !
Il n’y a pas eu de saignées guerrières entre les deux pays (comme pour France et Allemagne, Vietnam, Soudan…), dont les peuples et dirigeants se connaissent bien ; cela signifie que le contentieux est aussi léger que ceux qui le portent. Si, vraiment, réellement, des excuses suffiraient à régler définitivement la question du Sahara, marocain, et à lancer résolument un Maghreb efficient et conquérant, oui, offensif et conquérant, le prix n’en serait pas trop élevé !
Aziz Boucetta
Commentaires