(Billet 1204)- Poutine, Xi, Kim, axe du mal... alors Trump, UE et Bibi sont l'axe du bien ?

(Billet 1204)- Poutine, Xi, Kim, axe du mal... alors Trump, UE et Bibi sont l'axe du bien ?

Tant de choses ont été dites déjà, et encore plus écrites sur l’Occident, ses dérives actuelles et son inexorable déclin, moral et matériel. Ces critiques et sévères jugements interviennent à partir de l’Europe même ou des Etats-Unis, mais aussi du monde entier, chacun ayant ses griefs historiques, économiques, diplomatiques, ou tout simplement humains. Or, il faut croire que cet Occident aujourd’hui tant décrié n’a cure de ces remises en cause qu’il confirme et prouve chaque jour.

Qu’est-ce que l’Occident ? Sur le plan géographique, l’appellation ne signifie pas grand-chose. Qui est à l’occident de quoi, ou à l’orient de qui, demeure une question très relative. Le terme occidental renvoie plutôt à une proximité politique (démocratie parlementaire), économique (libéralisme, logique de marché) et culturelle (héritage gréco-romain, libertés, séparation des pouvoirs, …). Le terme d’occidental est une invention venue d’Occident , mais considérant l’histoire de cet ensemble géoculturel, il permet et conduit une grande partie du reste du monde à essentialiser l’Occident comme étant consubstantiel de colonisation, domination, impérialisme… ces pays se réunissent sous la bannière du Sud Global ou, moins martialement, du Nouveau Sud. Ce bloc ne correspond à rien géographiquement, mais regroupe tous les autres pays qui, à une période de l’Histoire, ont été confrontés à l’Occident actuel.

Mais alors que l’ordre ancien issu de la Seconde guerre mondiale agonise, qu’il est même mort et en phase d’inhumation, que les puissances occidentales se délitent et se déchirent, que d’autres pôles mondiaux émergent et s’imposent, voilà que chancelleries et médias occidentaux qualifient le trio Poutine, Xi, Kim d’Axe du Mal, en référence à la qualification de l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord émise par George Bush en 2003. Un « Axe du Mal », en opposition, forcément, à un Axe du Bien. Quel serait cet Axe du Bien ? Forcément celui qui est opposé à celui du Mal, forcément celui représenté par les pays européens et l’Amérique du Nord.

Est-ce de l’insouciance, de l’inconsistance ou de l’inconscience ? Ce n’est pas de l’insouciance car ces capitales ont le souci thucydidien de ne pas se faire dépasser, de résister au déclassement ; ce n’est pas non plus de l’inconsistance car on parle ici d’un bloc représentant 30% du PIB mondial, 10% de la population du globe et le tiers des exportations planétaires. C’est donc sans doute de l’inconscience, surtout face à la prise de conscience de plus en plus large des propres populations américaines et européennes face aux dérives morales de leurs gouvernements et au déclin économique de leur espace.

C’est de l’inconscience aussi car ces Etats et leurs dirigeants ne comprennent pas encore l’immense étendue de leur responsabilité morale et financière, technique et juridique du génocide actuellement en cours. Quand Netanyahou sera parti, que les choses se seront réglées dans un sens ou dans l’autre, que les colères se seront apaisées et les esprits calmés, les historiens prendront le relais. Les historiens et quelques juristes, et ainsi commencent les grands procès de l’histoire des hommes. Et celui qui arrive sera d’une ampleur plus grande que les précédents.

La Shoah était tue et dissimulée par ses auteurs et les dirigeants du monde pouvaient dire qu’ils ne savaient pas, et il en va de même pour le génocide rwandais, trop rapide pour déclencher la réaction de chancelleries occidentales trop lentes ; un peu moins de discrétion pour le Cambodge de Pol Pot ou les Balkans à l’époque de Slobodan Milosevic, mais toujours cette coupable inaction. Le génocide palestinien, qualifié ainsi par un nombre croissant de juristes et d’organisations internationales, est commis et perpétré au vu et au su du monde ; il est clairement et explicité revendiqué par les dirigeants israéliens, du moins dans son modus vivendi assumé, et qui ne peut être que génocidaire. Et des dirigeants occidentaux persistent et signent, comme l’Allemand Friedrich Merz qui a dit qu’ « Israël fait le sale boulot pour nous », ou comme Trump qui, de loin en loin, laisse entendre ou fait dire que « Netanyahou doit finir le job ». on reproche au monde musulman et, plus généralement, aux musulmans de se « radicaliser » dans leurs approche et pratique religieuses, mais Benjamin Netanyahou et ses complices, Donald Trump, ses évangélistes et ses soutiens juifs ne sont-ils pas en toute simplicité des fanatiques religieux, avec leurs discours de plus en plus ouvertement messianiques ?

Le plus étonnant est qu’au sein des sociétés du Sud, on trouve toujours des gens pour justifier, soutenir, « gober » voire défendre les positions occidentales, donnant crédit à leurs arguments et ne s’indignant de rien de leurs comportements. Complexe du colonisé sans doute, syndrome de l’Oncle Tom peut-être… Ils croient à la fable sur l’Ukraine, qu’ils font remonter dans l’histoire jusqu’en 2014 seulement, omettant la grande histoire des siècles passés ; ils reconnaissent la suprématie morale de l’Occident en dépit des massacres actuels et des restrictions de plus en plus grandes des libertés ; ils acceptent d’être citoyens de « pays de m… » comme le disait élégamment Donald Trump lors de son premier mandat, et ils acceptent de vivre dans une « jungle », selon le mot de Josep Borrell. On ne peut certes soutenir ou cautionner l’agression russe de l’Ukraine, mais on peut admettre la duplicité occidentale ,avouée et reconnue par François Hollande et Angela Merkel, signataires bruyamment (et pourfendeurs secrètement) des accords de Minsk, format Normandie, cette terre qui fut le berceau de la colonisation américaine du Vieux Continent… Et même la très tardive reconnaissance de l’Etat de Palestine par certains pays occidentaux, au regard des conséquences qu’elle aura sur l’annexion de Gaza et de la Cisjordanie, peut sembler douteuse…

Tout ce qui se déroule aujourd’hui peut pourtant et encore être arrêté sur simple décision politique de ne plus livrer des armes et de ne plus soutenir Israël sur le plan financier et celui du droit (ONU, …). Cela n’a pas été fait, et ne l’est toujours pas ; l’Espagne l’a fait, sans arrière -pensée, et d’autres gouvernements occidentaux courageux. La responsabilité pénale des dirigeants est engagée.

Comment parler encore d’axe du Bien ou d’axe du Mal ? Si le duo  Poutine/Xi, élargi en trio à Kim, n’est pas nécessairement un axe du bien, le groupe euraméricain l’est encore moins. Il le fut peut-être, il ne l’est tout simplement plus. Aujourd’hui, il n’y a plus d’axe, ni du bien ni du mal, mais seulement des puissances qui œuvrent à maintenir l’ordre existant pour les Occidentaux et d’autres qui travaillent à en construire un autre, idéalement sous leur leadership; et entre les deux, des moyennes puissances qui essaient d'exister et/ou de se maintenir.

Aziz Boucetta

Commentaires