(Billet 1227) – Résolution 2797 : Rabat rit, Alger cogite, mais tout reste possible !

(Billet 1227) – Résolution 2797 : Rabat rit, Alger cogite, mais tout reste possible !

En 1975, c’était la Marche verte et aujourd’hui, les voyants sont au vert. Cela a pris 50 ans, cela n’est pas encore définitif, mais cela est dû à l’inconséquence du monde et de l’inconscience algérienne. En 2025, permacrise oblige, le monde est toujours inconséquent, mais moins, et Alger est toujours erratique, mais réfléchit, ou du moins aimerait-on le penser. Et en 2025, tout de même, les choses ont singulièrement avancé avec l’adoption de la résolution 2797 par le Conseil de Sécurité, à l’issue d’une intense bataille juridique entre ses membres.

L’affaire du Sahara occidental marocain a connu quatre dates importantes, cruciales : 1975 (Marche verte), 1991 (cessez-le-feu), 2007 (plan d’autonomie du Maroc), 2020/2024 (reconnaissances US et France)… et 2025 est la cinquième date/tournant de ce conflit fomenté et alimenté par Alger mais dont ni Alger ni Rabat n’ont besoin. Ce qui est fait est fait, et aujourd’hui il faut regarder vers l’avant et se projeter dans l’avenir. La résolution entérine la primauté, et même l’unicité, de la proposition marocaine d’autonomie et exhorte les parties à s’engager dans les négociations devant aboutir à clore définitivement cette question qui a si longtemps, trop longtemps retardé l’intégration maghrébine.

Rabat en est capable et le Maroc par la voix du roi en a toujours fait la demande, mais Alger est-elle disposée à franchir le pas, reléguant le 20ème siècle à ses démons et se projetant dans ce 21ème aussi prometteur et engageant que dangereux et incertain ? Là est la question, et la réponse n’est pas vraiment rassurante, si on considère les manœuvres algériennes et la propension des chefs d’Alger à voguer à contre-courant.

Ils insistent sur l’autodétermination par référendum, principe certes fondamental de l’ONU mais non unique, car ils ne disent pas tout. En effet, la résolution 2625 de l’Assemblée générale des Nations Unies affirme que ce droit peut s'exercer par la création d'un État indépendant, l'association avec un autre État, ou par l'acquisition d'un autre statut politique librement choisi. Il s’agira désormais d’affiner et de peaufiner l’adhésion des habitants de la région à leur marocanité, à travers leur participation aux élections organisées depuis plusieurs décennies. Alger ne s’est toujours pas prononcé officiellement sur la résolution 2797 mais le Polisario a publié un communiqué rejetant le texte avec virulence. Que se passera-t-il dans les prochains jours, semaines et mois ?

Les Américains de Donald Trump sont connus pour leur réticence face aux organisations et aux négociations multilatérales, préférant les contacts directs et les deals tranchants. Cela se reflète dans la concision de la résolution, qui va droit au but, car elle a été rédigée par le porte-plume américain, plutôt expéditif. Par ailleurs, le conseiller, ami et compagnon de golf du président Trump, Steve Witcoff, avait affirmé que son équipe travaillait sur un accord de paix entre le Maroc et l'Algérie, estimant qu'il pourrait être conclu d'ici 60 jours. On ne peut que l’espérer, tout en maintenant une certaine prudence et perplexité quant à la volonté des officiels algériens d’entendre raison.

En effet, acculés par cette résolution, les chefs d’Alger pourraient tout faire, et feront certainement tout ce qui est en leur pouvoir, pour s’immiscer dans ces négociations sur la « véritable » autonomie demandée par les Nations Unies. L’adjectif « véritable », accolé à « autonomie », constituera un extraordinaire facteur de blocage entre les mains des Algériens et un non moins puissant levier de pression américain sur le Maroc. Mais faisons confiance à nos diplomates et nos juristes pour désamorcer cette sérieuse difficulté qui nous attend.

Les Russes et les Chinois devront aussi s’y mettre pour compliquer les choses, chacun pour ses raisons, les premiers semblant mettre dans la balance diplomatique toutes les questions internationales qui les opposent aux Etats-Unis, s’abstenant tout de même de brandir leur veto, eu égard aux bonnes relations entretenues entre Rabat et Moscou, qui viennent de signer un accord de pêche incluant en creux les eaux des provinces sahariennes. Quant aux Chinois, on ne comprend pas vraiment la raison qui les a conduit à s’abstenir, Pékin se mettant assez inexplicablement en retrait des grandes questions internationales qui ne le concernent pas directement. La Russie et la Chine campent plutôt sur leurs positions, elles-mêmes fondées sur leur calculs d’équilibre régional au Maghreb.

Tout cela étant dit, l’atout principal du Maroc reste son sérieux, et son sérieux passe par le respect de ses engagements, la régularité de ses positions et le dynamisme de sa diplomatie. Mais cet atout est également tributaire de son niveau de développement et de démocratisation. Et cela passe, inévitablement, par la classe et le personnel politiques, qui seront sollicités et impliqués, directement ou non, dans les tractations à venir sur « l’actualisation et à la formulation détaillée de la Proposition d’Autonomie », annoncées et affirmées par le roi Mohammed VI dans son discours du soir même.

Le Maroc a pu atteindre ce résultat par son développement à marche forcée (malgré « les deux vitesses »), son assurance en ses capacités et sa confiance en lui-même, et rien n’aurait pu être accompli sans cela. Et c’est pour cette raison qu’il faut continuer, plus sérieusement, plus haut, plus vite et plus fort, car dans ce monde incertain, ne pas être puissant est une posture dangereuse.

Au final, on passe d’une étape à une autre dans notre question nationale et aussi dans l’ordre international, avec un avant et un après le 31 octobre 2025. Aujourd’hui, à l’ONU, le Maroc mène largement mais, comme dans le foot, mener est une chose, maintenir son avantage en est une autre, qui nécessite d’autres atouts et d’autres postures. Gageons que le Maroc, ses gouvernants, sa société, sa diplomatie, ses politiques et ses jeunes en sont capables.

Dans l’attente, réjouissons-nous de l’acquis engendré et restons constructifs à l’égard de nos voisins…

Aziz Boucetta

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